Actualités: Presse spécialisée

L’étude MTA à 8 ans: suivi prospectif d’enfants traités pour un trouble de déficit de l'attention/hyperactivité de type combiné, dans différentes centres.

Source: Revue spécialisée de l’Académie Américaine de Psychiatrie de l'Enfant et de l’Adolescent (Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, vol. 48; numéro 5; May 2009 / Date: Mai 2009 / Catégorie: Presse spécialisée

La prestigieuse revue américaine spécialisée en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent a publié dans son numéro de mai 2009 trois articles d’intérêt majeur en relation avec le trouble de déficit de l'attention/hyperactivité (TDAH), en plus d’un édito sur le sujet. Nous proposons ici un résumé de ces articles ainsi que l’édito, dont l’intérêt est tel que nous préférons le présenter dans son intégralité.

PREMIER article: "L’étude MTA à 8 ans: suivi prospectif d’enfants traités pour un trouble de déficit de l'attention/hyperactivité de type combiné, dans différentes centres."

Dans cet article, Molina et ses collaborateurs fournissent une actualisation de l’étude MTA, réalisée plusieurs années auparavant chez des petits garçons et des petites filles diagnostiqués avec le TDAH et ayant reçu différents types de traitements (Multisite Multimodal Treatment Study of Children With Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder). Cette actualisation se fait 8 ans après le début de l’étude et après avoir suivi les patients au cours de ces 8 ans, à un moment où les participants sont devenus des adolescents âgés de 13 à 18 ans.

Dans l’étude MTA d’origine, 579 enfants âgés de 7 à 9,9 ans avaient été répartis entre différentes branches de traitement pendant 14 mois:

  • Traitement systématique avec méthylphénidate
  • Thérapie comportementale à composantes multiples
  • Association des deux (médication + thérapie comportementale)
  • Prise en charge communautaire habituelle

Cet article donne les résultats de l’évolution des enfants ayant été suivis pendant 8 ans. De même que lors de l’actualisation faite à 3, 6 et 8 ans les participants avec TDAH ne présentent pas de différences en fonction du traitement reçu. On ne trouve pas de différences significatives dans les résultats scolaires, dans les cas de détention policière, dans les hospitalisations psychiatriques ni dans les autres variables cliniques. Les auteurs soulignent qu'en dépit de l'amélioration initiale des symptômes, les patients avec un TDAH de type combiné continuent de présenter un disfonctionnement significatif au cours de l’adolescence. De plus, le résultat global se prédit mieux en fonction des signes cliniques initialement présentés (notamment la gravité des symptômes de TDAH, les problèmes comportementaux, le niveau intellectuel, les facteurs sociaux et la réponse initiale au traitement) qu'en fonction du type de traitement reçu.

DANS LE SECOND article: "Adhérence au traitement dans l’étude MTA: Confrontation des échantillons de méthylphénidate dans la salive avec l’information fournie par les parents et l’effet médiateur du traitement comportemental concomitant", Jensen et ses collaborateurs évaluent la différence entre l’information relative à l’adhérence au traitement (observance thérapeutique) fournie par les rapports des parents et celle issue des mesures physiologiques utilisées chez 254 participants de l'étude MTA. Bien que 89.8% des parents aient indiqué que leurs enfants prenaient bien la médication, presqu’un quart des échantillons de salive ont révélé que ce n’était pas le cas, et 24,8% du total des participants ont montré un manque d’adhérence dans 50% ou plus des analyses salivaires. Les auteurs n'ont rencontré dans ce cas aucune association significative avec des facteurs démographiques.

DANS LE TROISIÈME article: "Réponse clinique à l’atomoxétine dans le trouble de déficit de l'attention/hyperactivité: étude de l’analyse diagnostique de données intégrées", sans lien avec l’étude MTA, Newcorn et ses collaborateurs présentent une méta-analyse de 6 essais cliniques randomisés avec l'atomoxétine pour traiter le TDAH, sur un total de 618 participants. Les données indiquent que la réponse globale est bimodale, c'est-à-dire que 47% connaissent une amélioration notable tandis que 40% ne répondent pas. Aucun facteur au début des études ne pouvait prédire la réponse au traitement. Seule l'amélioration perçue lors de la 4 e semaine de traitement pouvait prédire l'amélioration ultérieure, ce qui conduit les auteurs à suggérer que les cliniciens devraient envisager une augmentation de la dose ou un changement de médicament chez les patients qui ne présentent aucune amélioration en semaine.

ÉDITO: "Suivi à 8 ans de l’échantillon du MTA" par Philip L. Hazell.

(Devant l’importance du contenu, nous avons traduit l’édito dans son intégralité).

"La ronde de la musique du temps est le titre d’une fresque romanesque en 12 volumes de l'auteur anglais Anthony Powell, qui couvre la période allant de 1914 à 1971 et implique plus de 300 personnages. Ce travail est remarquable pour la façon dont Powell progresse dans la narration tout en construisant en même temps la trame de l’histoire suivante à travers les réminiscences du narrateur et les conversations entre les personnages.

La diffusion des résultats du suivi de l’étude MTA à 8 ans est une révélation qui va dans le même sens. Le MTA a commencé avec 579 enfants entre 7 et 9,9 ans, à qui on a attribué de façon aléatoire quatre lignes de traitements possibles pendant 14 mois. Au terme de la phase randomisée de l’essai clinique, les enfants participants et leurs familles étaient libres de continuer le traitement qu'ils venaient de recevoir ou d’en commencer un autre sous la supervision de leur clinicien. Leur évolution a été suivie par l’équipe de l’étude MTA. Huit articles primaires ont raconté les principales découvertes de l’étude à diverses étapes du suivi tandis que huit autres articles ont développé le contexte approprié à ces découvertes. Au total, plus de 70 articles ont été publiés jusqu’à présent avec les données du MTA, ce qui représente un véritable défi pour ceux qui souhaitent suivre de près les résultats de l’étude. Les lecteurs peuvent consulter deux articles récents qui visent à intégrer et à réviser la littérature sur le MTA. Dans ce numéro, vous trouverez un premier article qui indique les résultats clés à 6 et 8 ans, et un autre concernant le degré de concordance entre l’information fournie par les parents sur l’adhérence des enfants à la médication et une mesure objective de l’adhérence à travers les niveaux de méthylphénidate dans la salive.

Moins de deux ans se sont passés depuis la publication des résultats du suivi à 3 ans. Ce fut le premier de la série des articles primaires à démontrer que les différences dans les variables clés qui avaient été attribuées à l'effet du traitement au cours des 14 premiers mois de l'essai clinique s'étaient évanouies. Les auteurs avaient très prudemment signalé que l’étude n’avait pas été faite pour démontrer les bénéfices des différents traitements au-delà des 14 premiers mois. Ensuite, au cours des 22 mois d’intervention sous la supervision des cliniques locales, les différents traitements reçus par les participants qu’il a été possible de suivre ont évolué jusqu'à un point non identique mais assez similaire. L’extinction graduelle de l’effet du traitement assigné analysée par le critère intent-to-treat ("intention de traiter") a été prédite pour au-delà de 24 semaines de suivi. Les auteurs ont cependant voulu tester dans cet article l’hypothèse qu’il puisse y avoir un effet latent (sleeper effect), qui fasse que les bénéfices du traitement ré-émergent de nouveau plus tard au cours du développement. Aucun joueur ne parierait une fortune sur cet argument... et avec raison, puisqu'on ne trouve aucune différence entre les 4 branches de traitement ni à 6 ans ni à 8 ans en mesures répétées de symptômes psychiatriques, de résultats scolaires et de fonctionnement social. Aucune différence n’est apparue non plus dans les nouvelles mesures typiques de l’adolescence telles que les notes moyennes, les détentions policières ou les hospitalisations psychiatriques. La minorité de participants qui a poursuivi la médication pendant 8 ans ne présentait pas un net avantage par rapport à ceux qui ne l’avaient pas poursuivie, mais étant donné que l’étude n’était plus contrôlée, cette découverte doit être interprétée avec prudence. Les nouvelles tentatives pour élucider les mécanismes sous-jacents à la convergence de résultats des 4 modalités de traitements assignés ne sont pas fiables étant donné l’effort déjà fait pour l'interprétation de la convergence aux 3 ans de suivi. Nous acceptons que l’absence d’effet latent soit un reflet de la réalité et non la conséquence d’un biais de l’étude. Les auteurs assurent qu’il est purement spéculatif de penser que la persistance d’un traitement intensif au-delà de 14 mois aurait conduit à des différences marquées entre les diverses modalités de traitement.

L’article de Molina et de ses collaborateurs décrit deux analyses secondaires. La première repose sur le regroupement des participants non pas à partir du traitement assigné mais à partir des tendances dans les symptômes de TDAH, depuis le moment initial en passant par les mois 14, 24 et 36, tel que cela fut décrit dans un autre article antérieur de Swanson et de ses collaborateurs. Les données disponibles pour cette analyse furent celles de 485 participants. A première vue, on pourrait penser qu’une importante amélioration initiale des symptômes de TDAH, qui s’atténue ensuite au cours d’une phase plateau de 36 mois, pourrait s’associer à des résultats favorables au niveau clinique, scolaire et social après 8 ans, plus que les autres tendances en symptômes de TDAH observées, comme une amélioration lente et graduelle ou une amélioration initiale suivie d’une détérioration. Cela pourrait cependant être un artefact provenant du fait que les participants avec une amélioration initiale et la conservation dans le temps des symptômes de TDAH présentaient des problèmes plus légers au moment initial que les autres participants à l’étude. L’interprétation plus normale serait qu'il est plus probable que des patients avec des symptômes plus légers au cours de l’enfance continuent à présenter des problèmes plus légers en cours d’adolescence. L’autre analyse fait référence à la comparaison de participants du MTA avec un échantillon d'enfants de contrôle (sans pathologie), de la même zone géographique et avec une distribution similaire en âge et en sexe. Bien que le groupe de participants du MTA ait connu une amélioration par rapport au moment initial au niveau des variables cliniques, scolaires et sociales, en comparaison avec le groupe contrôle, leurs résultats ont continué à être différents. Ces résultats ont confirmé ceux de travaux antérieurs qui ont démontré la persistance symptomatique, quoique pas du syndrome dans son ensemble, jusque dans l’adolescence tardive. Cela confirme aussi que les traitements pour le TDAH, de même que ceux contre le diabète ou l'asthme, y compris les plus structurés et intenses, améliorent les symptômes mais ne soignent pas.

Le second article que nous mentionnons montre qu'un quart des participants dans les deux branches de l'étude qui incluaient la médication n’ont pas correctement suivi le traitement au cours des 14 mois de la phase de randomisation. Et que de plus, les rapports récents faits par les parents surestimaient l’adhérence au traitement. Le lecteur doit rester prudent au moment d'interpréter ces résultats puisque les échantillons de salive n’ont pas été obtenus de manière consistante mais en utilisant une définition physiologique d’adhérence quelque peu arbitraire. Les résultats soulignent cependant une variabilité dans le traitement, y compris dans les 14 premiers mois de l’étude. Pourquoi cette différence dans les estimations d’adhérence fournies par les parents et les résultats des échantillons de salive? Mon impression est simplement que les parents n’étaient pas conscients que leurs enfants ne suivaient pas correctement le traitement. Il est possible que les participants eux-mêmes aient eu quelque chose à voir avec cela. A l’âge de 10 ans, si un enfant a le choix entre avoir des problèmes avec ses parents pour ne pas avoir pris le médicament ou courir le risque d'être piégé des années plus tard, que fait-il ? Nous ne le saurons jamais, mais on peut se demander si le groupe non expérimental de prise en charge communautaire n’a pas connu une adhérence encore pire à la médication. Peut-être cela a-t-il contribué à la moindre efficacité du traitement dans le groupe communautaire, même en dépit de doses médicamenteuses prescrites supérieures (mais pas forcément ingérées).

Le fait que l’article de suivi à 6 et 8 ans inclue des analyses primaires et secondaires indique un changement dans les règles établies dans les articles de l’étude MTA. On prêtera dorénavant moins attention à l’analyse basée sur les 4 branches de traitement assignées de façon aléatoire. L’attention se déplacera vers les rapports de l'étude de cohortes (de grande qualité) qui comprend des sujets qui réunissaient les critères de TDAH dans l’enfance, qui ont partagé une expérience de participation dans la phase aiguë de l’étude MTA et qui ont suivi par la suite des trajectoires différentes. Nous pouvons les assimiler aux personnages de La ronde de la musique du temps qui furent soumis à une expérience commune sans échappatoire (en l'occurrence, l'impact de la Seconde Guerre Mondiale) et qui ont ensuite évolué vers les vicissitudes du mariage, du travail, de la vieillesse, et pour finir, de la mort."

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